La Transat

Nous nous lançons dans l’accomplissement d’un rêve de gosse : traverser l’Atlantique en bateau. Si on nous avait dit que nous le ferions sur notre propre bateau avec un équipage 100% novice, je pense qu’on ne l’aurait pas cru. Mais nous nous sommes donné les moyens de faire ce voyage et les grandes traversées qu’il implique. Nous voilà alors à l’aube de notre première traversée, au pied de ce grand Atlantique. Les voiles sont toutes réparées, les pleins d’eau et de provisions sont faits, les alizées soufflent entre 15 et 20 nœuds et sont bien réguliers, il ne nous reste plus qu’à dire au-revoir à nos amis du Cap-vert et à lever l’ancre.

Au programme : 2200 milles nautiques à avaler, cap au 288° direction Saint Martin aux Antilles. Nous sommes 4 à bord du Williwaw ce qui est parfait pour organiser nos quarts de nuit. Nous quittons la côte de Mindelo le 1er décembre à 9h du matin. La navigation au sud de l’île de Santo Antão est musclée à cause de l’effet venturi entre les deux îles. Il y a 25-30 nœuds de vent et Williwaw file à vive allure, comme pour nous montrer son impatience de traverser cet océan. L’équipage règle les voiles, tribord amure, un ris dans la grand voile, le génois tient bien à 120° du vent, le pilote prend rapidement la barre et ne la lâchera pas pour un bon moment encore.

Les premiers jours sont un régal de navigation. Le vent souffle entre 15 et 20 nœuds et est assez nord ce qui fait que nous le prenons à un angle que Williwaw adore. Il file à plus de 7 nœuds de moyenne pendant 4-5 jours. Le seul hic c’est la houle, elle vient de ¾ arrière et fait beaucoup rouler le bateau. Les plus sensibles prennent des cachets alors que les autres jouent aux funambules pour faire la cuisine.
Les quarts de nuit s’enchainent et se passent sans encombre. Quelques petites pluies par ci par là mais rien de bien méchant. On prend des ris et on les enlève aux grés du vent. Il faut avant tout préserver le matériel. Chaque jour nous changeons de quart : 9h-minuit, minuit-3h, 3h-6h, 6h-9h. J’ai personnellement une préférence pour le quart de 6h où l’on assiste tous les jours à un merveilleux lever de soleil.

C’est à partir du 5ème jour que le vent se calme un peu et ne dépasse plus les 17-18 nœuds. On peut alors sortir le spi. C’est le retour tant attendu de cette grande voile d’avant que nous n’avons que très peu utilisée depuis notre départ de Méditerranée. Afin de le préserver lui et l’équipage, nous ne mettons le spi que de jour. A cause des grains et de l’équipage réduit pendant la nuit, nous ne voulons prendre aucun risque. Quoiqu’il en soit Williwaw continue de filer à 6 nœuds de moyenne pour le plus grand bonheur de tous. On prévoit alors une arrivée le 14 ou le 15 décembre, ce qui est un excellent temps pour une transat.

Mais c’était sans compter les avaries ou la baisse de vent. Parce que Neptune ne peut pas être bon avec nous durant toute la traversée malgré les nombreux sacrifices que nous lui faisons. Dans la nuit du 10 Décembre, notre génois est tangoné en ciseau quand tout d’un coup le rail qui le tient sur le mât cède. Le tangon se retrouve presque à l’eau et la voile bat dans tous les sens. Nicolas appelle à l’aide et c’est en caleçon que le reste de l’équipage sort donner la main. J’enfile un harnais et vais devant aider Nicolas à retirer le tangon du génois et à le ranger le long de la coursive. On constatera les dégâts demain… Le lendemain, effectivement le rail est tordu et 17 rivets ont cassé sur la partie basse. Résultat : plus de spi ni de tangon utilisable. Dommage, surtout que le vent baisse pour la fin de la traversée.

Nous finirons donc en utilisant le gennaker qui est une voile qui marche mieux par vent de travers ou largue mais que nous utiliserons en vent arrière. Du coup le bateau ralenti. Les 4-5 derniers jours le vent tombe, nous faisons des journées à 2-3 nœuds de moyenne et la nuit nous mettons le moteur pour charger les batteries et avancer un peu.

Niveau pêche nous sommes mauvais, très mauvais… Il y a beaucoup d’algues qui flottent sur notre route, la sargasse, suivant le courant du Cap Vert qui va jusqu’aux Antilles, et nous en attrapons bien plus que de poisson. Une nuit, on ramène un sabre argenté. C’est un grand poisson tout fin qui n’a pas beaucoup de chair, nous le remettons à l’eau. En fin de traversée nous attrapons deux dorades coryphènes. Les deux ont gagné le combat de sortie de l’eau. Résultat des courses : une ligne cassée, 2 leurres perdus, trois prises reparties à l’eau et 4 estomacs frustrés.

Au matin du 17 décembre nous voyons la terre. Ca fait bizarre de voir la civilisation après 16 jours passés au milieu de l’océan. Nos premiers pas à terre nous porterons vers un bon burger.

Il nous faut maintenant réparer les avaries et préparer nos actions pour l’Amérique centrale. Nous allons aussi profiter de cette belle île de Saint Martin pour fêter Noël et se ressourcer après ces deux belles semaines de traversée.

Capt’N Thomas